Quelques réflexions sur l 'efficacité des arts martiaux
(par Jacques Bonte)

Quelques réflexions sur l'efficacité des arts martiaux en défense.

Lorsqu'on s'inscrit à un cours d'arts martiaux, les motivations peuvent être diverses.
On peut venir parce qu'un ami nous en a parlé et trouve l'ambiance sympa. On peut simplement vouloir pratiquer une activité sportive et choisir un art martial parce que "c'est la mode".
On peut le faire parce qu'on apprécie la "philosophie" orientale ou les pratiques énergétiques.
Mais très souvent, l'idée première est : Apprendre à se défendre.
Quelle peut-être réellement l'efficacité des arts martiaux en cas d'agression par une ou plusieurs personnes ?

Je pense qu'il ne faut pas pratiquer dans l'unique but de savoir se défendre.

En effet, il faut s'entraîner pendant de nombreuses années avant d'acquérir les techniques et les réflexes nécessaires. Années pendant lesquelles on risquera de se blesser, de prendre des coups et sans doute dans une proportion plus importante que lors d'une éventuelle rixe. Le jeu en vaut-il la chandelle ? D'autant plus que la probabilité de se faire attaquer est faible.

De plus, nous ne sommes pas préparés à une agression. Les voyous ne prennent aucun risque : soit ils attaquent des plus faibles, soit ils se mettent à plusieurs ou attaquent par surprise.
Quant à nous, nous ne sommes pas en kimono sur un tatami. Nous sommes avec des habits qui peuvent beaucoup nous gêner, nous ne sommes pas échauffés, peut-être qu'il pleut et que le sol glisse ou que nous sommes "coincés" dans un endroit restreint, alors comment faire un mawashi ou un kote gaeshi ?
Parfois, se défendre peut être pire que mieux, car cela peut provoquer plus de colère et de détermination chez le ou les agresseurs.
Ne rien faire peut être tout aussi dangereux...Alors, que faire ???

Pour ma part, je pense qu'il y a différentes options.

La première est la prévention.
Il faut bien choisir les endroits où l'on va et ne pas fréquenter les lieux malfamés. Il faut aussi tenir compte des horaires et éviter de sortir le soir et surtout la nuit, toujours être sur ses gardes lorsque quelqu'un nous suit...

La deuxième est la discussion.
Selon les cas et les menaces, on peut essayer de discuter calmement pour apaiser l'agresseur voire parfois lui donner ce qu'il demande (argent ou autre) ou au contraire, si l'agresseur est seul et ne nous semble pas très sûr de lui, parler fermement pour impressionner. Cela peut parfois suffire à désamorcer, car le premier combat est souvent verbal.

La troisième est la fuite ou le repli stratégique.
La fuite peut être spontanée ou provoquée, par exemple en se dirigeant vers l'agresseur qui semble le plus frêle et en le bousculant pour pouvoir se sauver.

La dernière option est le combat, quand il est impossible de faire autrement.
A ce moment, je préconise de ne pas attendre l'attaque mais de la provoquer en entrant dans la distance. Si l'attaque ne viens pas, on peut tenter de fuir en "débordant" l'adversaire (ilimi) ou alors il faut attaquer le premier le plus rapidement possible et profiter de la déstabilisation de l'agresseur pour fuir. Comme disait mon vieux professeur : "La meilleure défense est l'attaque".
Bien entendu, si on est obligé de choisir cette option il faudra surtout que la chance soit avec nous.

Par rapport à ces quatre options, que peux nous apporter la pratique d'un art martial ?

Concernant la première option : la prévention, il est certain qu'un pratiquant a bien plus conscience de ses possibilités et de ses limites et saura ne pas prendre de risque.

Concernant la deuxième option : la discussion, la pratique d'un art martial permet de mieux garder son calme et son self-control face aux insultes et de mieux gérer la situation.

En ce qui concerne les deux dernières options c'est à dire la fuite ou le combat, une notion primordiale est la notion de distance. Il faut savoir avoir une bonne gestion de la distance par rapport à l'agresseur, savoir quand on est en danger et quand on est hors d'atteinte, de façon à ne pas se faire surprendre et à garder le contrôle de la situation.
Dans tous les cas, je pense que la gestion de la distance, c'est à dire de l'endroit où l'on se trouve est plus important que les techniques que l'on va appliquer et qui ne pourront être faites qu'au tout dernier moment.

Ce qu'il ne faut pas faire.

1)-Répondre aux insultes. On risque de perdre plus facilement son sang froid.

2)-Se mettre en garde de combat. Il est préférable d'"être sur ses gardes" mais sans le montrer. On appelle cela "Mukamae no kamae". En ce sens, l'attitude d'un aïkidoka est préférable à la garde d'un karatéka ou d'un boxeur, ceci afin de ne pas attiser la colère ou la détermination de l'agresseur.

3)-Dire : "Attention je pratique du... (art martial). Tout d'abord, l'adversaire sera prévenu et donc plus attentif et ensuite cela provoquera chez lui des railleries et des moqueries concernant l'art martial annoncé, et lui donnera encore plus envie de se battre.

En conclusion.

On peut dire que la vraie efficacité des arts martiaux ne se trouve pas dans la technique, mais dans la capacité qu'ils développent à gérer son stress dans une situation d'affrontement.
Il y a beaucoup d'autres raisons à pratiquer les arts martiaux. On peut y trouver du plaisir à apprendre des choses nouvelles, à progresser, à se surprendre en réussissant à faire des mouvements que l'on croyait impossible pour nous. Et surtout, on rencontre dans les dojos des gens qui partagent la même passion et contribuent à nous faire oublier les petits soucis de tous les jours et à nous faire passer un excellent moment entre amis... et pour cela, les arts martiaux sont très efficaces.

Jacques.

Ce qu'en pense le Maître Hiroo Mochizuki.

Voila un extrait d' une interview donnée par le Maître à la revue "Officiel Karaté" en juillet 2007 :

L'efficacité, cela dépend de quoi on veut parler. Le meilleur guerrier du monde est sûrement un mauvais sportif, déjà. Mais à quoi sert d'être le meilleur guerrier du monde? Pour être fort à l'extérieur d'un dojo, il faut s'entraîner à l'extérieur d'un dojo. Mais à quoi ça sert? Devenir bon en self-défense? Alors il faut connaître des stratégies pour impressionner l'agresseur par des cris, des mimiques, ou au contraire pour paraître faible. Et puis il y a les armes à feu. Et quand une bombe tombe, il n'y a pas de technique qui tienne... Alors pour les jeunes, c'est bien de pratiquer l'efficacité en compétition, sans hypothéquer l'avenir. On apprend des gestes justes, on prend confiance. C'est un bon équilibre. Quand on prend de l'âge, c'est l'efficacité dans la vie qui commence à devenir vraiment intéressante. Ce sont les tactiques de la vie qui prennent de l'importance. Comprendre l'autre, adversaire, partenaire. Comprendre les mécanismes. Parce que quand on perd dans la vie, cela peut mal finir. Un combat raté, c'est un licenciement. Les arts martiaux peuvent aider à cela, mais pas nécessairement. Il faut une ouverture d'esprit, une progression intellectuelle. Il faut y créer l'état d'esprit de la paix. Créer une famille avec les autres hommes. Après, cela devient impossible de se battre, de se tuer, entre frères.